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ekwerkwe's nest
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5 mai 2007

Quatre mains sur Trente-sept degrés centigrades - Lino Aldani

C'est avec un grand honneur que nous acceptâmes ce grand défi. Laisser croître nos envies à partir de textes proposés par ekwerkwe.

****Voici le premier extrait qui doit faire pousser des ailes à notre inspiration : ****

"Nico se mit à courir; il grimpa le long d'un petit sentier très raide. Doris le suivait avec peine, le sac sur l'épaule, son transistor à la main. Un plateau qui baignait en plein ciel. Il y avait de l'herbe, des buissons, de grandes taches d'ombre et de lumière. Et des ruines. Elles pointaint au milieu de l'herbe, rugueuses et effondrées, pareilles à des sphynx prémonitoires. La vallée s'étendait en bas devant eux, toute en vignobles et oliveraies, lointaine, profonde, immense. Et le profil de Nico se découpait au bord de l'abîme, sur le fond des collines bleuâtres.
Doris poussa un grand cri. Sans autre raison que de se prouver à elle-même qu'elle était bien vivante; pour aussi retrouver le temps qui s'était arrêté; pour ne point mourir sur l'heure, anéantie, dans la grandiose beauté du paysage."

Extrait de "Trente-sept degrés centigrades" ("Trentasette centigradi"), de Lino Aldani
In Le livre d'or de la science-fiction italienne (Presses Pocket)

****Des ailes dessinatrices ont poussé au bout d'un crayon (à cliquer pour voir en plus grand) : ****

DessinEkwe01AldaniScan 

  InFolio

****Des ailes exploratrices sont parties farfouiller dans les livres pour nous ramener un extrait à mettre en miroir du premier : ****

"Cette fuite ! Par la nuit grise, seule, par une piste, dans la brousse noire, mystérieuse d'esprits, de mânes, infestée de fauves, un baluchon sous l'aisselle, elle s'était enfuie. Elle avait couru sur les ronces, dans les gués, sur les graviers, couru en nage longtemps jusqu'à s'étouffer. Rien ne l'avait arrêtée : les peurs de la nuit, les fauves, les serpents. Rien ! Elle n'avait vu, entendu, pensé qu'à ce qu'elle fuyait, et avec l'air inspiré et soufflé dans la fatigue, avec les montagnes escaladées, les rivières passées, les forêts traversées, ce qui s'éloignait, ce qu'emportaient les graviers projetés par ses pieds dans les plaines, ce qui partait, ce qui se taisait avec les aboiements et hurlements, dépassés, les sifflements des serpents contournés, c'était l'excision, le viol, la séquestration, le couteau, les pleurs, les souffrances, les solitudes, toute une vie de malheur. A quelque distance, elle avait senti les genoux s'érailler, le coeur se rompre, les yeux se voiler, les reins s'écrouler. Elle n'en pouvait plus, elle s'était arrêtée, quelque temps seulement, car aussitôt la brousse s'était ébranlée. Que pouvait être ce bruit ? Etait-ce Tiémoko ? Etait-elle poursuivie ? Etait-elle sur le point d'être rattrapée ? Du coup la fatigue s'était expulsée des jambes, l'étouffement du coeur, les vertiges des yeux. Elle a repris la piste avec un second souffle, avec de nouveaux pieds et elle a couru plus fort, plus vite. Rattrapée, elle savait ce qui l'attendait : égorgée sur le champ ou reconduite au village où à nouveau elle allait vivre séquestrée les nuits, et constamment pistée les jours par un Tiémoko fou et armé par la jalousie. C'est pourquoi elle avait repris la course. Le ciel avait promené des éclaircies à l'horizon quelque temps, puis la lune avait éclaté, et la brousse était redevenue blafarde mais toujours mystérieuse. Une deuxième fois elle s'était écroulée au pied d'un arbre, le découragement et la fatigue l'avait vaincue. Haletante, elle avait pensé à ce qui s'approchait avec les distances à parcourir, les peurs et les fatigues à surmonter. C'était Fama, l'amour, une vie de femme mariée, la fin de la séquestration. (...) c'était lui qui se trouvait au bout de la course, au terme de la  nuit, à l'achèvement de l'essoufflement. Et alors elle s'était redressée et avait recommencé à courir, courir."

Extrait de "Les Soleils des indépendances", de Ahmadou Kourouma.
Seuil, Points, 1970, pp. 47-48.

Stella

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Commentaires
E
... est pour moi!<br /> Merci de vous être prêtées au jeu avec tant de bonne volonté, et de talent!
ekwerkwe's nest
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