Nous revenons comme des ombres, Paco Ignacio Taïbo II

Ils ne jouent plus aux dominos.
Tomàs Wong, l'iguane jaune, chasse les nazis mexicains dans les forêts du Chiapas. Manterola découvre les racines ésotériques du national-socialisme. Le Poète, parfois aidé d'une devineresse africaine, piste des réseaux fascisants. Et Executor, l'avocat réfugié dans la folie qui partage sa cellule avec un homme hanté par le Démon, les convoque à une partie de poker au terme d'un onitique jeu de piste. Quant à Hemingway, nouveau venu, il se retrouve mêlé à ce combat par des voies chaotiques, fantaisistes et aériennes, mais de toutes façons improbables.

Vingt ans après "Ombre de l'ombre", référence explicite à Dumas, les héros reviennent, vieillis et salement usés. Et de même qu'ils s'essoufflent à courir après des ombres démoniaques, le roman peine à trouver son rythme. Taïbo II hache sa narration jusqu'à l'absurde, et je suis pas complètement d'accord avec lui quand il dit: "Le roman n'est pas né pour plaire aux amoureux de l'ordre. Il est là pour distraire par le vertige, pour mettre le bordel, pour en jouir, pour le remuer." Je l'approuve sur le fond - sur la forme, j'admire davantage les virtuoses qui parviennent à lier les pistes et les passages qu'ils ont jetés dans tous les sens comme les fragments d'une bombe par un fil ténu, invisible à l'oeil nu de la lectrice menée en bâteau avec ravissement, et néanmoins solide. En bref, j'aime sentir que l'auteur sait où je vais, même si je ne sais pas où il m'emmène.
Est-ce lié, bien que je ne vois pas comment? Je trouve que ce roman manque en partie de la force politique qui sous-tendait les autres oeuvres de Taïbo II que je connais. Et je le classerai d'ailleurs pas en rouge mais, pour une fois, en noir.

Bref, une semi-déception, qu'il faut placer dans le contexte de mon adoration habituelle de Taïbo II: à nuancer, donc!