Planètes, Makoto Yukimura
Que dire de Planètes? A part du bien?
D'abord, c'est un manga en 4 tomes. Ce qui veut dire que, dès le départ, l'auteur avait un projet (alors que si souvent, j'ai l'impression que ce sont les projets qui ont un auteur), projet qu'il n'a pas dilué inutilement, qu'il a mené à bien, bouclé - et moi lectrice j'ai acheté mes quatre tomes, je les ai lus, et je sais que c'est fini. Au pays des mangas, c'est déjà une source de satisfaction peu commune.
Ensuite, Planètes, c'est un manga d'initiation. Oui, ça existe. Je m'explique: ce n'est pas que ça n'existe pas ailleurs, c'est peut-être d'ailleurs (certainement) le cas dans Eden, le manga d'Hiroki Endo que je chronique en parallèle, mais il y a ici une veine du plus pur classicisme, une veine de pure littérature, et des personnages confrontés aux choix qui décident d'un destin. Des personnages qui cherchent leur voie, leur place, et qui apprennent à aimer. Alors c'est vrai, Makoto Yukimura est un peu maladroit parfois, et non, il n'écrit pas comme Dickens. Est-ce excès de sensibilité ou manque de maturité? j'avais parfois l'impression qu'il s'embrouillait un peu, ou bien qu'il connaissait si bien ses personnages qu'il en oubliait de nous donner les détails. Reste une oeuvre, dans son ensemble, profondément attachante. Et qui pose de vraies questions, d'habitude rattachées à la littérature générale: comment devenir adulte? et comment ne pas renoncer à l'innocence et à la force de l'enfance? qu'est-ce qui vaut vraiment la peine?
Quant à la forme, dans un genre réputé pour son indigence, ce manga-là tranche agréablement. Les dessins sont fouillés, soignés. Les cases ont une perspective. L'espace, les vaisseaux, les bases etc. sont impeccables. Les personnages sont expressifs. Parfois légèrement raides, mais l'auteur est, par ailleurs, capable d'un trait si souple et si délié que je crois que cette raideur, qui n'est pas systématique, est délibérée, destinée à montrer un malaise, un embarras. Bref, est une forme de sous-texte. Et puis l'auteur n'hésite pas à utiliser ses doubles pages pour de grands tableaux, et le noir & blanc est exploité comme une ressource, et non comme un raccourci - alors que les pages en tête de chapitres sont joliment coloriées. Graphiquement donc, c'est un sans-faute!
Enfin, à propos de Planètes, je dis à Kev, puisque c'est lui qui me l'a conseillé dans le cadre de mon "initiation au manga", je lui dis, donc: merci!! Ce n'est pas l'histoire d'anticipation à laquelle je m'attendais (même s'il y a un fort prétexte de science-fiction), c'était quelque chose de différent et de très bien!