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ekwerkwe's nest
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18 juin 2007

Etoiles mourantes, Dunyach & Ayerdhal

blog____toilesmourantes

Parfois, il y a des livres que je suis soulagée d'avoir lus. Des pépites qui valent toutes les fausses pistes sur lesquelles je me suis égarée, reposée, distraite ou énervée. Bref, des ouvrages qui sont des rencontres éclairantes. Et Etoiles mourantes est l'un de ceux-là.

Alors voilà...

Dans un tout petit Univers, tout moche et tout froissé qui, par un effet d'optique, paraît immense, vivent des AnimauxVilles, et une humanité divisée en rameaux: les Mécanistes, les Originels, les Organiques, et les Coordonnés. Ce sont les AnimauxVilles qui ont souhaité et rendu possible la Diaspora, pour que chaque rameau puisse se développer. Et c'est ce que les Rameaux ont fait, chacun de son côté. Sans ignorer l'existence des autres, sans lutter contre eux, mais chacun replié sur son monde, ses valeurs, sa société poussée au bout de sa logique, à un point de sophistication incroyable. Quatre modèles politiques, sociétaux, culturels. Et quand une étoile meurt, la tradition veut que les AnimauxVilles invitent les Rameaux à venir assister à sa fin, pour les Retrouvailles. Au momnet où commence le roman, ce ne sont que les deuxièmes retrouvailles, depuis la diaspora - les étoiles ne meurent pas très souvent. L'occasion (théorique) de se confronter, d'échanger, de ne pas se perdre totalement de vue. Ou de s'affronter.

Des mondes complexes et fragiles, menacés par un bouleversement imminent et irréversible: la trame est classique, et habilement palpitante. Le suspense repose non seulement sur ce que la lectrice ne sait pas, mais aussi sur l'imprévisibilité des événements à venir: une réaction en chaîne est lancée, dont personne ne peut prédire le résultat.

De l'histoire, je n'en dis pas plus: je laisse les futurs lecteurs découvrir ce que sont exactement les AnimauxVilles, et les Rameaux. Dunyach et Ayerdhal n'aiment pas trop, apparement, les levers de rideau et les grands effets de manche: pas de description cinématographique donc, mais un Univers construit par petites touches, dans un roman où chaque page apporte son lot d'informations. Evidemment, on se sent un peu perdu au départ, mais le mystère né des non-dits sied bien à l'intrigue, bien mieux que ne l'aurait fait un rythme description/action plus traditionnel. Par ailleurs les auteurs ont développé à partir de leurs recherches scientifiques, notamment en astro-physique, un regard à la limite de la métaphysique, poétique et vertigineux: c'est doublement gratifiant pour la lectrice peu au point en sciences: intéressant et crédible sans être ennuyeux. Quant à l'écriture... c'est une collaboration parfaitement réussie. Je n'ai pas l'impression que les auteurs se soient clairement divisé le travail. Je ne les connais pas assez pour reconnaître leurs pattes respectives, mais il me semble qu'il y a une intertextualité très étroite, omniprésente et cohérente.

Sur le fond, ce roman met en scène une réflexion réellement profonde et travaillée sur quatre mondes, et leurs points de jonctions. Au départ, un double postulat:
- l'isolement, qui permet aux auteurs d'explorer le développement de quatre organisations sociales et politiques: ici, pas d'étude des moyens et des modalités d'une transition révolutionnaire, l'histoire commence longtemps après, au moment où chaque société se trouve, sinon au bout, du moins à un sommet (problématique) de sa logique utopique;
- les avancées scientifiques que permet la fiction (eh oui, c'est ça la science-fiction!), avancées qui servent pas de béquilles au récit, mais à pousser chaque logique dans ses derniers retranchements.

Au-delà, Ayerdhal et Dunyach s'interrogent sur la validité de telles expériences, réalisées dans de quasi-conditions de laboratoire: qu'advient-il de ces sociétés, de ces modèles, quand ils sont confrontés les uns aux autres, quand leurs logiques internes les poussent à s'affronter? que devient la plus ouverte des sociétés quand il lui faut intégrer des éléments qui remettent en question son équilibre? quelle est la validité de sa tolérance affichée quand elle répugne à admettre l'humanité d'hommes issus d'une culture différente?

Si les auteurs ne peuvent s'empêcher de laisser filtrer leurs préférences (faciles à partager, en ce qui me concerne), ils sont malgré tout assez lucides et exigeants pour pointer les incohérences - notamment l'isolationnisme et la xénophobie latente - qui, à terme, ne peuvent que ronger ces structures de l'intérieur et provoquer leur effondrement.

Sans didactisme, sans angélisme, Dunyach et Ayerdhal réfléchissent sur le papier, dans la meilleure tradition SF. Et moi je viens de dénicher un autre des livres de ma bibliothèque idéale.

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Commentaires
E
Le coeur au chaud, c'est réciproque!<br /> Parce que si un jour on m'avait dit que les auteurs dont je chronique les romans viendraient parfois laisser un gentil commentaire sur mon blog... j'en aurais pensé toutes les platitudes qu'on pense dans ces cas-là! <br /> Alors un double merci, pour le comm et puis aussi surtout, pour le(s) livre(s)...<br /> Le poutou à toi aussi (oui je sais, j'en profite).
J
Merci pour ta critique, ça fait chaud au coeur...<br /> Et pour Ayerdhal, jetez-vous sur "Transparence", son dernier. C'est un magnifique thriller !<br /> Le poutou,
E
@ Aimline<br /> <br /> Conseil pertinent!<br /> Parleur (ou "Chroniques d'un rêve enclavé") est déjà chroniqué sur ce blog, ici (http://ekwerkwe.canalblog.com/archives/2006/11/27/3280797.html). ;)<br /> J'avais beaucoup aimé, et "Demain oasis" est sur ma liste à lire.<br /> J'ai jeté un coup d'oeil, récemment, à sa préface de l'antho "Genèses": un manifeste brillant de SFFF, qui m'a confirmé tout le bien que je pense de cet auteur.
A
Sur la trace de mon enquête ("Que fait Ayerdhal aujourd'hui ?"), je précise qu'il est souvent éloigné dans la trame de ce que les gens pensent de la SF habituelle... essayez "Demain, une oasis" ou encore "Parleur" :)
C
Eh bien, je rajoute ce livre à ma liste... ce que tu en as pensé me plait !
ekwerkwe's nest
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