Fruits basket, Natsuki Takaya
Grâce à InFolio, qui est une vraie copine, et qui n'hésite pas à faire voyager ses mangas, j'ai pu découvrir Fruits Basket jusqu'au tome 5 - et j'en resterai probablement là, puisque la première "saison" compte plus de 20 tomes, ce qui commence à faire pas mal, niveau budget. Et puis mes soupçons envers les séries à rallonge commencent à être bien connus... bien que cette série-là soit finalement assez intéressante.
Tohru a seize ans, elle est orpheline, et elle est plus ou moins recueillie par les Sôma, une famille qui compte un maximum de beaux gosses (beaux selon les critères shôjo, s'entend) touchés par une malédiction originale: chacun se transforme en son animal-totem quand une femme le prend dans ses bras. Tohru emménage donc dans une jolie villa avec le chien (Shigure), le chat (Kyô) et le rat (Yuki). Tohru est une jeune lycéenne naïve et, pour tout dire, plutôt niaise. Elle a le don de m'exaspérer, avec ses grands yeux papillotants, son air perpétuellement extasié et sa manie de s'excuser pour ce dont elle n'est pas responsable. Et pourtant, à sa façon finalement très peu sentimentale, totalement altruiste, elle apaise ceux qui l'entourent, notamment les Sôma. Elle n'est jamais dans le calcul, toujours dans le don, au point de s'oublier elle-même. A son contact, tous ces garçons torturés finissent par trouver un peu de calme, de façon assez émouvante.
Alors, Fruits Baskets c'est (pour ce que j'en connais) l'archétype du manga sentimentalo-sucré bien fait pour faire soupirer les très jeunes filles - mais c'est de leur âge... En termes techniques, un shôjo-manga. Pourtant, à mesure que ma lecture avance, j'ai l'impression que c'était une fausse première impression, finalement. Après tout, si Tohru, l'héroïne, devait vivre une grande et belle histoire d'amoûûûr, ce serait fait avant le tome 5, je pense, surtout avec tous les beaux gosses qui l'entourent. Pour l'instant en tous cas, c'est une histoire d'apprentissage - et de guérison. Qui met en scène, sans larmoyer, une valeur pas si courante: le don de soi. Autrement dit, des sentiments sans trop de rapport avec les atermoiements insipides des shôjo.
Quant à l'argument fantastique (les Sôma qui se transforment en animaux), pour l'instant, la mangaka n'en fait pas grand-chose - et je n'ai pas l'impression que ça viendra. Certes, ça met un peu de suspense: Tohru finira-t'elle par libérer les membres de la malédiction? Mais ça, c'est un ressort scénaristique, et non pas fantastique. Ca ne me gêne pas, mais ça n'offre pas vraiment de champ à l'histoire, qui reste uniquement psychologique.
Au niveau du dessin, c'est un manga de base: non seulement ça ne me plaît pas, mais c'est même un peu pénible. Pas de décors, pas de mise en situation, des extérieurs d'une pauvreté affligeante... et des personnages parfaitement insipides et très difficiles à différencier. Les dessins de Natsuki Takaya ont malgré tout un côté strass et paillettes parfois assez séduisant. La mangaka a une technique absolument époustouflante pour ombrer et noicir, une technique en "toile d'araignée" plus ou moins chargée qui fait vraiment bel effet. Elle n'est pas la seule à l'utiliser, mais ici, ça surprend plutôt agréablement. Et on trouve aussi pas mal d'humour dans le dessin: les oreilles de chat de Kyô qui ressortent quand il est en colère, le recours à des croquis simplifiés pour prendre un peu de distance avec l'action, des notes griffonnées pour signaler ce que pensent les personnages... Les codes du manga croisent avec souplesse les exigences de nos BD traditionnelles et une inventivité agréablement nonchalante.