La fille du Roi des Elfes, Lord Dunsany
Un prince un peu trop humain, une princesse un peu trop féerique: le conte de fées commence là où d'habitude il finit: quand ils se marient. Car ils n'arrivent pas à vivre heureux ensemble, la fille du Roi des Elfes retourne chez son père, et tandis que son mari part à sa recherche dans une quête sans espoir, leur fils grandit et devient un grand chasseur qui n'aime rien tant que chasser à courre les licornes qui s'aventurent de notre côté du monde.
Je n'ai pas envie d'analyser cet ouvrage pour ce qu'il est, à savoir un roman de pure fantasy, tout plein de magie, de beauté, de poésie. Cette histoire met un peu trop en avant pour mon goût la noblesse, la beauté et la chasse, que je ne révère pas autant que l'auteur.
Dans un premier temps, je préfère y lire une analyse involontaire du couple: quête de perfection surnaturelle pour l'homme et sens des convenances (obéissance au père, devoir du prince), auxquels s'opposent la nature éthérée et un peu inconséquente de la femme. Un homme droit, fidèle et obtus. Une femme rêveuse et insatisfaite. Si l'on ne comprend pas très bien le motif de leur amour (à part qu'au sein du royaume parfait il s'est glissé suffisamment d'insatisfaction dans le coeur de la princesse pour qu'elle veuille s'en échapper, que le prince est venu et que c'est bien tombé), Dunsany nous donne toutes les clés de leur séparation, survenue quasiment par hasard, pour presque rien comme souvent, et insurmontable.
Quant au style... Dunsany n'a jamais assez d'adjectifs pour décrire la beauté du royaume elfique, de la princesse, des licornes, de la nature... J'aurais aimé lire ce livre enfant, je suis sûre qu'il m'aurait enchantée. Adulte, le royaume du roi des Elfes m'ennuie et me paraît presque morbide, figé dans son éternité parfaite et immobile. La fin du roman (attention spoilers!), l'absorption du royaume terrestre par le royaume atemporel, est d'ailleurs ambiguë: beauté et félicité éternelles, calme et contemplation: ce qui permet d'échapper au passage du temps ressemble fort à une certaine idée de la mort et de la vie (paradisiaque) qui la suit - et face aux regrets de la princesse, Dunsany, lui, ne choisit pas le bouillonnement et la fatalité de la vie.